Et si les exploitations étaient trop assurées pour les risques climatiques ?
Le contexte sanitaire et la prise de conscience de la fragilité des équilibres climatiques entrainent une pression mentale supplémentaire sur la nécessité de posséder un bon contrat d’assurance climat. Les exemples de gels, grêles, inondations ne manquent pas pour corroborer le discours prévenant et bienveillant des conseils en assurance. Sans remettre en cause le principe de l’assurance, la question se pose de savoir jusqu’où il faut s’assurer. Et l’analyse des coûts d’assurances et des remboursements liés apporte un autre éclairage.
Sans les assurances point de salut ?
L’emballement médiatique et la pression du risque a pour conséquence directe une réduction du champ de vision des chefs d’entreprises sur le seul élément du risque et non sur les moyens de s’en prémunir. Ce mécanisme totalement humain est bien compris du commerce et du monde de l’assurance et annihile souvent la conception d’options alternatives. Face au risque imminent, nous choisissons la solution la plus simple…
Pourtant, la gestion du risque repose par principe sur de la prévoyance, de l’anticipation et une bonne analyse des ressources propres. Sur ce sujet, les capacités intrinsèques des exploitations diffèrent selon plusieurs critères dont notamment leur ancienneté. Pourtant les exploitations disposent de véritables ressources qu’il convient de compiler et orchestrer afin de limiter de façon significative le montant des primes d’assurances. Vous l’avez compris, nous sommes en train de parler de stratégie de gestion du risque. Et il convient de constater que dans ce registre, les assurances représentent une brique parmi d’autres.
Se connaître soi-même…
En premier lieu, une analyse de l’exploitation doit être réalisée afin de mettre en lumière la capacité de résistance de l’exploitation aux risques climatiques. Cet audit devra par exemple analyser des éléments aussi divers que l’épargne propre, le patrimoine disponible et son caractère liquide ou non, la fin des emprunts et leur échelonnement… Tous les facteurs capables d’être sollicités en cas de problème financier lié à un risque climatique hors assurance.
En fonction des résultats obtenus, il conviendra de bâtir un plan d’épargne qui sera fonction de l’aversion aux risques de l’exploitant et des capacités de l’exploitation. Dans ce contexte, nous pourrons avoir recours à des outils fiscaux spécifiques tels que la déduction pour épargne de précaution (art 73 du CGI). Ce dispositif « gratuit » permet de créer une épargne ET de déduire le montant d’épargne du résultat fiscal. Cette épargne disponible sera reprise par l’exploitation dès que nécessaire. Le gain fiscal étant par la même occasion un élément de renforcement de l’effort d’épargne. Dans le cadre des sociétés à l’impôt sur les sociétés, la mise en réserve des résultats est une alternative à la DEP. Les réserves sont taxées uniquement à l’IS et pas à l’IR du dirigeant ni à la MSA.
L’épargne ainsi constituée doit peu à peu atténuer le rôle de l’assurance (sans jamais le remplacer bien évidemment) et l’exploitant pourra contrôler le curseur de l’annuité d’assurance en fonction des différents paramètres évoqués plus haut.
La preuve par l’exemple…
Prenons une exploitation imposée dans le régime des bénéfices agricoles réels et qui dispose d’une épargne de 10k€. Elle réalise un résultat après rémunération de 30k€ dont 20k€ servent à rembourser les emprunts pendant encore 3 exercices. L’annuité actuelle d’assurance est de 12k€. Historiquement les préjudices subis ont toujours été de l’ordre de 30 % de la récolte soit ici 35 000 €. Les incidents climatiques dans cette région se réalisent tous les 3 à 5 ans.
L’effort d’épargne cumulé de cette exploitation est résumé dans le tableau ci-dessous :
En cumulé | N | N+1 | N+2 | N+3 |
Epargne | 10 | 10 | 10 | 10 |
Résultat disponible | 10 | 20 | 30 | 60 |
Total trésorie | 20 | 30 | 40 | 70 |
Dans cet exemple, l’exploitation est capable de couvrir son risque en Année N+2 mais a dépensé 36K€ d’annuité d’assurance.
Dans le cadre d’une mise en place d’un plan avec outil fiscal DEP, le schéma serait le suivant :
En cumulé | N | N+1 | N+2 | N+3 |
Epargne | 10 | 10 | 10 | 10 |
Résultat disponible | 10 | 20 | 30 | 60 |
Gain fiscal & social DEP (estimé) | 10 | 10 | 10 | 15 |
Total trésorie | 30 | 40 | 50 | 85 |
Dans cet exemple, l’exploitation est capable de couvrir son risque en Année N+1 et aura dépensé 24 K€ d’annuité d’assurance.
L’année « gagnée » entre ses deux exemples doit servir à réduire la part de l’annuité d’assurance et augmenter le résultat et donc l’épargne potentielle.
En cumulé | N | N+1 | N+2 | N+3 |
Epargne | 10 | 10 | 10 | 10 |
Résultat disponible | 10 | 20 | 30 | 60 |
Réduction assurance | 5 | 5 | ||
Gain fiscal & social DEP (estimé) | 10 | 10 | 15 | 20 |
Total trésorie | 30 | 40 | 60 | 95 |
Dans cet exemple, en année N+3, l’exploitation sera en capacité de couvrir trois fois son risque historique.
Conclusion…
Loin de ces exemples simples, la réalité suppose une appréhension plus poussée des leviers d’optimisation de la gestion du risque climatique. Pour autant, il nous semble important que ces analyses soient menées dans les exploitations. Vos spécialistes du groupement AGIRAGRI se tiennent à votre disposition pour réaliser les études nécessaires.